La Peau de l’Espace, Res Musica

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Danse et parole à Lafayette Anticipations

Le 18 septembre 2022 par Delphine Goater et Jonathan Chanson

Le festival Échelle Humaine, qui s’inscrit depuis sa première édition en 2018 dans le cadre du Festival d’Automne, a proposé sur les différents niveaux de Lafayette Anticipations des performances et des solos liant intimement le mouvement et la voix, le geste et le discours.

Yasmine Hugonnet : La Peau de l’Espace

Yasmine Hugonnet a interprété, dans le cocon aménagé du second étage de Lafayette Anticipations, une pièce intime et sensible aux inspirations multiples et parfois décousues. Le public est placé en L et dessine deux côtés d’un rectangle dans lequel Yasmine Hugonnet va évoluer durant quarante-cinq minutes tout au long d’une performance qui emprunte tout autant au cartoon qu’à l’expressionnisme, au discours scientifique, à l’expérience délicate du corps, à la recherche philosophique, à la performance kinésiologique jusqu’à la ventriloquie. Tout un éventail de concepts sont ici abordés. La chorégraphe entame dans une première partie une danse qui mêle son souffle, amplifié ici par un micro, et ses mouvements, à la manière de la recherche de Boris Charmatz dans son dernier solo, Somnole, l’année dernière à l’Église Saint-Eustache. Quel mouvement provoque le souffle ou quelle respiration le mouvement induit-il ? Qu’est ce qui se place entre ces manifestations pourtant en fusion ? Dès la première partie de « La Peau de l’Espace », la danseuse nous emmène dans l’expérience vivante de cette peau fine qui sépare, tout en créant un lien d’interaction, les éléments vitaux de nos vies biologiques et intelligibles.

La seconde partie de la performance de Yasmine Hugonnet propose au spectateur d’assister à une danse au ralenti, guidée par un discours dont on peine à tirer un développement, une cohérence dramaturgique. Si le souffle manifestait avec force son impact sur le corps, ici la voix se fait monocorde et le corps ne semble plus guidé que par l’aura construite des références positivistes convoquées pour assoir un cheminement déconcertant. Certains metteurs en scène, dans le monde du théâtre, ont tenté, avec plus ou moins de succès, l’expérience du corps à la lumière des sciences, Claude Régy et Gildas Milin en tête.

De ces deux parties, sifflées et racontées, calmes et mouvementées, on ressort néanmoins convaincus que Yasmine Hugonnet a réussi le pari du sensible, de l’attention portée au toucher, à ces espaces invisibles qui lient nos existences et leurs intimités. Portée par son expérience de la scène et par un bagage inspirant, la chorégraphe nous embarque dans l’expérience du mouvement et de sa fragilité. (JC)